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un chapitre par jour

28 janvier 2015

Chapitre 1

Lee regardait New York de la fenêtre de son bureau du 27ème étage du building Warnen. La vue, imprenable, ne lui procurait aucun apaisement aujourd’hui.

-       Bon sang, il faut vraiment qu’on trouve une solution, marmonna-t-il entre ses dents.

Son regard gris erra une seconde sur l’image que reflétait la vitre de son bureau, puis il se détourna et retourna s’asseoir à son bureau encombré de dossiers.

-       Aline appelez Mr Wayne, qu’il vienne dans mon bureau le plus vite possible, ordonna-t-il d’une voix froide par l’interphone.

-       Bien Mr Farrell, je l’appelle tout de suite.

Le silence se fit dans le luxueux bureau, seul le doux ronronnement de l’ordinateur se faisait entendre. Lee, le coude appuyé sur l’accoudoir de son fauteuil, se balançait doucement, la mine sombre. Quiconque le connaissant n’aurait osé l’aborder.

Un léger suintement se fit entendre, la porte du bureau s’ouvrit livrant passage à un jeune homme blond et racé. Le regard bleu et franc erra un instant dans le bureau et se fixa sur le dur visage de son ami.

-       As-tu trouvez une solution Lee ?

-       Non aucune, je suis dans une impasse. Je n’arrive pas à mette le doigt sur ce qui cloche pour ce foutu mécanisme. Je suis certain qu’il y a une solution, mais impossible de mettre la main dessus, grogna Lee, encore plus renfrogné.

Marcus approcha lentement du bureau, il marchait d’une allure féline et souple. Il se laissa tomber dans le confortable fauteuil en face du bureau de Lee et regarda son ami. Lee Farrell était le genre d’homme qui ne laissait pas les femmes indifférentes. Le regard gris surmonté d’épais sourcils bruns, éclairaient un beau visage aux traits volontaires. La bouche fine et sensuelle savait se montrer douce ou ironique. C’était un athlète rompu à de nombreux sports, au corps délié et robuste, d’une élégance et désinvolture nonchalante. Qualifié de play-boy par la presse à scandale, le PDG de Warnen and Co était réputé pour être dur en affaires, intransigeant et difficile d’abord. Mais ces amis savaient pouvoir compter sur lui à tout moment. Marcus et Lee se connaissaient depuis la fac et une solide amitié les liaient depuis de nombreuses années.

-       Il faut qu’on trouve une solution, ce procédé va révolutionner les procédures d’usinage de nombreux produits informatiques ; il faut vraiment qu’on le mette au point. On a investi beaucoup dans cette histoire, si on se plante, on perd deux ans de recherches. Et les investissements faits en Floride sont perdus. Warnen aura du mal à s’en remettre. Et tu sais que les investisseurs sont des requins qui n’hésiteront pas à nous bouffer, marmonna Lee avec humeur.

-       On cherche, tu le sais, mais pour l’instant on n’a aucune piste, rappela Marcus d’une voix douce. On est toujours bloqué sur le même point, impossible d’avancer.

Le regard lointain, Marcus réfléchissait avec concentration.

-       Sean m’a bien parlé d’une étude qu’il a vu sur le net, sur le procédé d’usinage de produits radio, employant un protocole particulier, mais il a été incapable de m’indiquer d’où venait ses sources. Il croit vaguement se souvenir, d’un ingénieur qui dans une étude aurait abordé ce type de protocole. Mais d’après lui, c’est une vieille étude d’une bonne dizaine d’années. Donc aucune possibilité que cela nous soit utile.

Une lueur d’intérêt s’alluma dans les yeux de Lee, s’accoudant à son bureau, il regarda Marcus avec attention.

-       Tu crois qu’on pourrait retrouver cette étude ? questionna-t-il avec lenteur.

-       Je ne sais pas, Sean ne se souvient pas quand, ni comment il a eu accès à cette étude. Il pense que c’était une étude de thèse de fin d’année d’une quelconque école d’ingénieur.

-       On pourrait essayer de retrouver cette étude et pourquoi pas l’ingénieur ? On ne sait jamais après tout, au point où nous en sommes, toutes les idées sont bonnes à prendre, répondit Lee avec lassitude.

-       On peut essayer. Je vais questionner Sean et mettre une équipe sur la recherche de cette étude dès demain.

-       Bien, soupira Lee en se frottant les yeux.

Marcus observa Lee avec attention pendant quelques minutes silencieuses.

-       Tu as l’air crevé, il faudrait que tu prennes un peu de repos, déclara-t-il. Madeline te fait toujours faire le tour de toutes les soirées à la mode ?

-       Le repos se sera pour plus tard, quand on aura une solution, bougonna Lee. Et oui, Madeline me traine dès qu’elle le peut dans les soirées. Et je commence à me lasser.

-       Des soirées ou de Madeline ? ironisa Marcus.

Lee lui jeta un regard désabusé.

-       Des deux, soupira-t-il. Madeline est une vraie bombe, dans tous les sens du terme, constata Lee avec un air las. Mais j’ai l’impression que nous ne sommes plus sur la même longueur d’onde.

-       Oh, oh, oh, le célèbre Lee Farrell, le plus grand play-boy de tous les temps, l’homme que toutes les femmes rêvent de mettre dans leur lit, et que toutes les mères espèrent comme gendre, le grand Lee Farrell se lasserait de tous les plaisirs que la vie lui offre, rit Marcus avec humour.

-       Vas y, soupira Lee, moque toi. Mais franchement, j’ai vraiment envie d’un peu de calme.

-       Renvois Madeline, ou mieux offre lui un voyage autour du monde, elle te laissera peut-être tranquille. Ou alors épouse là, et je suis sûr que là tu auras la paix.

Lee jeta un regard noir à Marcus.

-       Je ne suis pas prêt à me mettre la corde au cou, surtout avec une femme comme Madeline, répliqua-t-il avec humeur.

-       Serais-tu devenu romantique ? se moqua gentiment Marcus.

Lee se détendit, un sourire au coin de la bouche, une lueur amusée dans le regard.

-       Non, je ne crois pas que je succomberais à ce genre de maladie. Tu me connais assez, ce n’est pas mon genre. Le romantisme, la mièvrerie de « l’amour », toutes ces choses à l’eau de rose, c’est de la foutaise.

-       Et le coup de foudre ? questionna Marcus, amusé.

Lee éclata d’un rire franc, qui tout à coup le rajeunit, allumant dans ses yeux gris des étincelles de gaieté.

-       Alors là, c’est encore la pire des arnaques. La seule chose qui existe, c’est le désir de l’autre, la passion des corps, et tu le sais aussi bien que moi, l’amour toujours, l’amour éternel, c’est juste pour faire vendre du papier. Regarde le nombre de divorces depuis quelques années. Un mariage sur deux se termine en divorce, alors l’amour…. Juste une illusion… Ce que veut l’homme, c’est juste se reproduire, transmettre ses gènes, juste par orgueil, se dire que l’on ne quitte pas ce monde sans laisser sa trace.

Marcus regarda Lee avec attention, un sourire aux lèvres.

-       Te voilà bien pessimiste en l’avenir de l’homme. Il ne vaudrait mieux pas que Madeline t’entendes prononcer des discours de ce style.

Lee regarda Marcus avec ironie.

-       Que veux-tu, avec l’âge on dit que l’homme s’assagit. En réalité, je crois plutôt qu’on découvre que les contes de fées n’existent pas et que la vraie vie n’est qu’un combat de tous les jours. Mais ça, tu le sais aussi bien que moi. Bon allez, trêve de plaisanterie. Je compte sur toi pour cette fameuse étude.

-       Je fais le nécessaire dès demain, répondit Marcus en se levant et se dirigeant vers la sortie du bureau. Se retournant vers son ami, et repose toi un peu, tu as vraiment l’air claqué.

-       Merci de ta sollicitude Marcus, répondit Lee en se levant lui aussi. A demain.

-       A demain Lee.

En rassemblant quelques dossiers, Lee réfléchissait à sa discussion avec Marcus.

Sa relation avec Madeline commençait à lui peser, pourtant, il y avait encore quelques semaines, il envisageait sérieusement de peut-être lui proposer une relation plus sérieuse. A 37 ans, de papillonner d’une relation à l’autre ne le satisfaisait plus. Au fond de lui, il ressentait un manque, indéfinissable, comme une brume sur un lac l’hiver. Humeur éthérée, tapie au fond de lui, cela le mettait mal à l’aise. Il se secoua et se mit à rire de lui-même.

-       Tu ne vas pas devenir sentimental, mon pauvre Lee. Pour l’instant tu as du boulot sur la planche et il faut résoudre ce problème, marmonna-t-il. Le reste passera après.

 

Lee pestait. Maudit GPS, ou plutôt maudit bled perdu au milieu de nulle part. Cela faisait plus d’une heure qu’il avait l’impression de tourner en rond et évidemment il n’avait pas pris de carte. Qui donc utilise encore une carte dans le monde super-connecté ? Mais ici, la technique de fonctionnait pas. Le GPS ne retrouvait plus son chemin depuis plus d’une heure et impossible de se connecter à internet avec son Smartphone. Pas de réseau.

Il était parti depuis plus de 5 heures, confiant, sûr de lui et le voilà errant lamentablement sur des petites routes sans signalisation. Pas un seul panneau d’indication de direction. Et en plus, il avait faim. A part un frugal petit déjeuner ce matin, il n’avait rien avalé depuis, persuadé que son expédition ne durerait pas. N’avait-il pas dit à Marcus en partant qu’il ne serait pas long, une seule journée devrait suffire ? Il n’avait même pas pris un café à la dernière station-service, voilà plus de 2 heures. D’ailleurs, s’il continuait à tourner en rond, il allait finir par tomber en panne d’essence.

Il manquerait plus de ça, perdu au milieu de nulle part, sans réseau et bientôt en panne sèche.

-       Maudit E. Maccraft ? grommela-t-il.

Mais ce mystérieux E. Maccraft avait peut être la solution. Il fallait qu’il le contacte impérativement.

Marcus avait débarqué dans son bureau hier matin, excité, ébouriffé comme jamais, ne tenant pas en place.

-       On a une piste, Lee, s’était-il écrié un air satisfait sur le visage. Sean a retrouvé l’étude et c’est presque ce que nous cherchons, mais elle est incomplète, impossible d’avoir une version complète. Faut dire qu’elle date de 10 ans.

Marcus jubilait littéralement, Lee ne l’avait pas vu plus excité depuis leur première cotation en bourse ! Ce n’était pas peu dire. Lui aussi commençait à sentir une grande excitation l’envahir. Si ce projet aboutissait, cela serait prodigieux. Bien sûr, il y aurait des retombées économiques importantes pour l’entreprise, mais le but était surtout de pouvoir réduire considérablement les couts de fabrication de tout produit informatique et ainsi les rendre abordables au plus grand nombre. C’était leur but premier, au grand dam de certains investisseurs. Mais les conditions avaient été posées. 50% des bénéfices iraient vers des soutiens financiers pour de petites entreprises à travers le monde pour les aider à s’équiper à moindre coûts. Toute personne avait le droit de pouvoir accéder à l’information et à la communication, Marcus et lui se battaient pour cet idéal depuis de nombreuses années. Même si, au passage, leurs idées leur avaient rapportées une grande aisance financière.

-       Regarde, c’est ce qu’on a pu récupérer de l’étude.

Marcus lui avait tendu sa tablette numérique. Lee avait tout de suite vu que c’était ce qu’ils cherchaient depuis plus de deux mois. Le raisonnement était clair, précis et d’une telle simplicité. Quelques points soulevés par leurs difficultés trouvaient là une partie de leurs réponses, mais comme l’avait si bien souligné Marcus, il manquait des indications indispensables pour pouvoir vérifier si le protocole proposé pouvait fonctionner avec leur idée.

-       Il faut qu’on trouve la personne qui a édité cette étude.

Marcus avait froncé les sourcils, son visage s’était crispé.

-       On a le nom de l’ingénieur qui a produit cette étude, mais impossible de le trouver dans le registre des écoles d’ingénieurs du pays, pour pouvoir le localiser. Sur internet, à part son étude, aucune référence à ce type, comme s’il n’avait jamais existé sur le net. Pas sur les réseaux sociaux, ni dans les annuaires professionnels.

-       Un fantôme ? s’était exclamé Lee ahuri.

-       En tout cas, pas de trace d’un E. Maccraft sur le net.

-       Comment allons-nous le retrouver alors ?

-       J’ai mis une équipe sur le coup, on cherche à l’ancienne,  avait rigolé Marcus.

-       A l’ancienne ?

Lee n’avait pas entendu cette formule depuis le temps de leurs études, où on utilisait encore les annuaires téléphoniques et les bibliothèques traditionnelles.

-       Oui, il n’est même pas dans les registres téléphoniques. J’ai contacté une amie dans une instance fédérale et je lui ai glissé un petit mot comme quoi je cherchais un ingénieur du nom de E. Maccraft pour un gros projet. Elle va se renseigner.

Lee avait ri.

-       Encore une de tes petites amies bizarres ?

-       Mais non pas du tout, juste une amie, bien utile et je lui ai promis que si elle trouvait l’info, elle pourrait diner avec toi, à tes frais, s’exclama Marcus en riant.

Lee en était resté interloqué. Marcus et ses idées idiotes ! Mais ça avait marché. Deux heures plus tard, ils avaient une adresse.

Harpwest, Pine code. Un certain Eli Maccraft. Et l’individu n’avait pas le téléphone, évidemment. Qui pouvait bien se passer de téléphone aujourd’hui ? Et voilà pourquoi il se trouvait sur cette maudite route de campagne, perdu, affamé et bientôt en panne sèche. Il y avait intérêt à ce que cet homme puisse résoudre son problème. Quelque part au fond de lui, une petite voix se moquait de lui « Et tu n’es pas au bout de tes peines ! ». Au détour d’un virage, tout à coup apparurent quelques maisons.

-       Enfin, je vais pouvoir demander ma route, soupira-t-il soulagé.

 

Assise sur son rocking-chair devant le garage, Beth profitait des rayons chauds du soleil de septembre. Sa journée s’étirait lentement et délicieusement, un peu de travail, du calme, les chaudes couleurs de l’été indien, les chants des oiseaux dans les arbres environnants, encore des instants de bonheur. Un sourire naquit sur la bouche pleine et sensuelle.Depuis, maintenant huit ans, elle goutait à tous ces petits instants de bonheur. Comme disait Luisa « à chaque jour suffit sa peine ». Mais, Beth préférait sa propre formule « à chaque jour, un instant de bonheur ». Quel plaisir de rester là, étendue au soleil, profitant de son chaud rayonnement. Bon évidemment, elle se faisait un peu de souci pour Eli. Elle n’avait pas de nouvelles depuis une semaine, et ce n’était pas vraiment dans ses habitudes.

-       Je pars en Norvège, j’ai décidé d’aller voir les fjords, je pars pour quelques semaines, je te tiendrais au courant, lui avait-il jeté en s’engouffrant dans le taxi alors qu’elle rentrait du garage. Occupe-toi bien de Marlow. Et sois sage !

Et il avait disparu, avec juste un signe de la main par la fenêtre du taxi, laissant Beth abasourdie et Marlow sautant dans tous les sens. Bon, depuis longtemps Eli avait un comportement parfois farfelu, mais pas aussi soudainement. A vrai dire, Beth adorait son beau-père.

Son propre père avait disparu de leur vie, à sa mère et elle alors qu’elle avait à peine 4 ans. Pas le temps de s’attacher, ni de regretter. Sa mère avait rencontrée Eli Maccraft quelques mois plus tard. Ils avaient eu le coup de foudre, étincelant, enivrant et qui avait duré jusqu’à la mort de sa mère, l’année de ses 12 ans. Eli, l’avait adopté et aimé comme sa propre fille. La mort de Linda les avait encore plus rapprochés. Ils étaient devenus indispensables l’un à l’autre avec Bastian. Et Eli l’avait entrainé dans son vagabondage, lui faisant visiter des contrées inconnues, Afrique, Asie, Europe au gré de ses envies. Quelques années avant la mort de sa femme, Eli avait mis au point une invention qui lui avait rapportée des millions, il avait un esprit visionnaire. Mais le monde cruel des affaires l’avait écarté inexorablement de ce monde. Et depuis une vingtaine d’années, il était venu s’installer à Harpwest, s’échappant de temps en temps lorsque le calme de la petite bourgade lui pesait. Beth, quant à elle était partie vivre sa vie « dans le grand monde » comme disait Eli. Mais, la vie n’avait pas été ce qu’elle espérait, et elle était venue se réfugier auprès d’Eli. Et depuis 8 ans, sa vie avait repris sa course sereine, non sans quelques hauts et bas. Mais maintenant, elle savait qu’elle était là où elle devait être, irrévocablement. Mais, Eli l’inquiétait depuis quelques temps, et ce soudain voyage lui paraissait étrange. Allez, pourquoi s’inquiéter d’Eli, il avait sans doute besoin d’un peu d’air. Un soupir heureux s’échappa de ses lèvres.

Quelle belle journée ! soupira-t-elle avec délice.

-       Bon alors c’est pour aujourd’hui ou pour demain, l’interpella une âpre voix furieuse.

Beth sursauta, et souleva la visière de sa casquette qui tombait sur ses lunettes de soleil. Elle fronça les sourcils en regardant l’homme qui l’interpellait avec autant de rage. Une superbe voiture étrangère, gris argent était stationnée devant l’antique pompe à essence. Un homme, superbe, planté sur ses jambes écartées, les mains sur les hanches, la regardait d’un air malcommode. Légèrement à contre-jour, elle avait du mal à bien voir son visage, mais le ton n’était pas des plus agréables.

-       Vous servez de l’essence ou il faut se servir soi-même ? l’interpella-t-il avec brusquerie.

-       J’arrive, ne vous excitez pas comme ça, lui répondit-elle avec lenteur et prenant un fort accent campagnard. Vous êtes sûr que l’on peut mettre de l’essence sans plomb dans c’te voiture ? C’est t’y pas une voiture de chez nous ça ? Z’êtes sûr qu’elle boit comme nous ?

L’homme haussa les épaules avec irritation. Mais où était-il tombé ? Lee détestait de plus en plus la campagne. Il regarda plus attentivement la fille qui lui répondait avec une voix rocailleuse et avec un accent épouvantable. Il avait cru, au début, que c’était une gamine, vu son accoutrement, mais maintenant il en doutait. Il lui sembla que la jeune femme souriait ironiquement en se levant de son rocking-chair. Elle n’était pas très grande, à peine 1m60, de son short en jean effrangé sortaient deux jambes dorées par le soleil, la chemise à carreau en coton nouée à la taille, dévoilait une taille fine, une poitrine opulente sans excès. Les lunettes de soleil cachaient le regard, et quelques mèches d’une chevelure châtain foncée, légèrement ondulée, sortaient de la casquette rabattue sur le visage. La bouche sensuelle et pleine n’était pas maquillée. Elle avançait d’une démarche sereine et gracieuse, légèrement dansante. Une lueur d’intérêt naquit dans son regard.

-       Vous en voulez pour combien ?

Lee redescendit sur terre au son de la voix rocailleuse et désagréable.

-       Comment ça pour combien ?

-       Ben oui, combien de litres ?

-       Faites le plein, s’exclama-t-il énervé.

Il se frotta la joue distraitement.

-       Vous savez où on est ici ? demanda-t-il en regardant autour de lui.

Un rire cristallin lui répondit, le faisant presque sursauter. Lee observa avec plus d’attention celle qui était penchée sur sa voiture. Il n’arrivait pas à lui donner un âge. 20, 30 ans, difficile à dire, la silhouette était gracile comme celle d’une adolescente, mais le peu du visage qu’il observait lui paraissait plus âgé, quelques rides sous les branches des lunettes, une expression de la bouche… impossible à déterminer.

-       Ben, ici c’est Harpwest, 315 habitants l’hiver, 3000 l’été, mais on n’aime pas beaucoup les touristes ici. Savent pas se tenir. Des animaux. Mal élevés en plus.

-       Harpwest, s’exclama Lee, faisant sursauter Beth par la véhémence du ton.

-       Comment puis-je me rendre à, attendez, Lee consultât son téléphone portable, à Pine Code ?

-       Pourquoi voulez-vous allez à Pine code ? interrogea avec surprise Beth, perdant instantanément son accent campagnard.

Lee la regarda, les sourcils froncés, étonné d’entendre tout à coup une voix mélodieuse et non plus la voix rocailleuse si désagréable.

-       J’ai besoin de m’y rendre, répondit-t-il avec sécheresse. Si vous pouviez m’indiquer la route ?

Beth l’observait avec attention.

Qu’est-ce qu’un homme comme lui pouvait-il bien vouloir à Eli ?

A Pine Code il n’y avait que la maison d’Eli. Etait-ce pour ça qu’Eli était parti si précipitamment ? Beth secoua la tête légèrement, les sourcils froncés. Non cela n’avait sans doute rien à voir. Si cet homme voulait aller à Pine code, autant lui expliquer la route.

Un sourire amusé naquit sur ses lèvres. Après tout, si cet homme arrogant voulait aller là-bas, elle n’allait pas l’en empêcher ! Elle pouvait toujours lui indiquer la route, se serait certainement amusant de voir comment il allait s’en sortir.

-       Ben vous allez tout droit jusqu’à la maison de Jenny, la maison rose, après vous tournez à gauche. Vous roulez deux kilomètres et vous trouverez une sorte de scierie à votre droite. Derrière la scierie vous aurez une route à gauche et c’est à 6 kilomètres. Vous ne pouvez pas vous tromper. Ça fera 40 dollars.

-       Pour le renseignement ? s’insurgea Lee.

-       Ben nan, pour l’essence dit Beth avec hauteur, reprenant son accent.

Lee soupira, retira le portefeuille de sa poche et paya Beth. Sans un regard, il monta dans sa voiture et démarra dans un nuage de poussière. Il ne savait pas pourquoi, mais cette femme l’excédait. Il n’avait jamais rencontré une créature si, si… exaspérante.

Beth riait doucement, imaginant la belle voiture gris argent, enlisée dans les ornières du chemin menant à la maison d’Eli. Les orages de la veille avaient provoqués de gros dégâts, lignes téléphoniques arrachées, transformateurs électriques complètement hors d’usage, sans parler de la connexion internet complètement rompue. Les pluies diluviennes avaient détrempées les chemins, et le chemin d’Eli était certainement le plus détérioré de tous les chemins environnants. Elle ne put retenir un grand éclat de rire joyeux imaginant cet homme si arrogant embourbé, ses belles chaussures italiennes pleines de boue, sans parler du costume !

Elle retourna sur son rocking-chair et repris tranquillement sa rêverie sans plus penser à cet étranger.

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28 janvier 2015

Chapitre 2

Sirotant son thé aux fruits rouges, Beth était plongée dans sa lecture, lorsqu’elle entendit le moteur du pick-up de Smeety. Elle jeta un regard sur sa montre et fronça les sourcils.

-          Il est en avance aujourd’hui ? pensa-t-elle avec curiosité.

Ce n’était pas dans les habitudes de Smeety de quitter la scierie avant les 17h et il était à peine 16h. Sans doute un problème de machine avec l’orage des derniers jours. Le vieux pick-up bringuebalant, abordait le virage prés du garage, crachant une fumée noire et nauséabonde. Dans un crissement de frein, il s’arrêta devant le garage. La bonne bouille de Smeety apparue à la fenêtre de la portière.

-          Salut, mon cœur. Je te ramène un naufragé, s’esclaffa-t-il de son sourire édenté.

La portière du passager s’ouvrit en grinçant terriblement et Beth vit sortir l’homme à la voiture grise, la mine sombre, les yeux lançant des éclairs, en bras de chemise, sa veste balancée sur l’épaule, les chaussures pleines de boue. Il n’avait vraiment pas l’air content. Beth n’osa pas rire, mais son sourire narquois parut mettre son vis-à-vis au comble de la rage.

-          Pourquoi vous ne m’avez pas dit que le chemin était impraticable ? éructa-t-il en avançant menaçant vers Beth.

Beth était téméraire, mais cet homme furieux l’effraya au plus haut point, elle recula en mettant ses mains en avant dans un geste de défense, secoua la tête, faisant danser ses boucles brunes autour de son visage. 

-          He, tu as besoin d’aide mon cœur ? l’interpella Smeety, le visage tout à coup sévère et curieux, prêt à descendre de voiture.

Lee s’arrêta, les bras ballants.

-          Ok, c’est bon. 

Il se retourna vers Smeety.

-          Merci Smeety, c’est vraiment sympa de m’avoir ramené ici. Vous en faites pas, je vais me débrouiller maintenant, si Mademoiselle veut bien m’indiquer où je peux trouver un téléphone, pour appeler un remorqueur.

-          Pas besoin de téléphone pour avoir un remorqueur, rigola Smeety lançant un clin d’œil vers Beth. Pas vrai mon cœur ?

-          C’est bon Smeety. Et n’oublie pas de passer à la maison pour la toiture. Faut vraiment qu’on intervienne, répondit Beth en souriant. Et n’oublie pas le conseil ! cria-t-elle vers la voiture qui s’éloignait dans un nuage nauséabond, la laissant seule avec l’inconnu.

Elle se retourna vers l’homme qui la regardait, une étrange lueur indéfinissable dans le regard.

Ouah, il a vraiment de beaux yeux ce mec, pensa-t-elle en l’observant avec attention. Et pas que les yeux, il est vraiment canon.

Elle s’éclaircit la voix et passa la main dans ces cheveux mi-longs. Elle ne savait pas trop quelle attitude adoptée face à ce masque dur et arrogant. Les hommes comme lui ne devaient pas apprécier que leur belle voiture luxueuse à 250000 dollars reste embourbée dans un chemin de campagne.

-          Pourquoi a-t-il dit qu’il n’y avait pas besoin de téléphone pour le remorqueur ? lança-t-il avec brusquerie en la regardant avec suffisance.

Beth, montra la pancarte au dessus de la devanture du garage.

-           Garage Mike, réparation et remorquage, lut-il de sa belle voix grave. Et où puis-je trouver Mike questionna-t-il avec ironie ?

-          Il sera là ce soir, vers 19h. Il est parti pour la journée chercher des pièces, dit Beth doucement, de sa voix chantante, débarrassée de son accent rocailleux désagréable.

-          Pas avant 19h, mais ce n’est pas possible ! s’emporta Lee avec exaspération, mais qu’est ce que c’est ce bled ?

Il bouillait de rage. Cette journée était un vrai cauchemar. Elle avait commencé par une grande espérance, mais tout avait été de mal en pis. Le GPS l’avait fait tourner en rond pendant plus d’une heure, ensuite cette femme exaspérante l’avait envoyée dans des chemins impraticables, il avait embourbé sa voiture, et maintenant le remorquage n’aurait pas lieu avant la nuit. Il n’avait pas fait tout ce chemin pour échouer si près du but. Il fallait qu’il trouve une solution. Immédiatement. Son téléphone était HS.

-          Est-ce que vous avez le téléphone au moins ? demanda-t-il avec rudesse.

-          Oui.

Lee poussa un soupir d’aise. Il allait pouvoir joindre Marcus pour qu’il lui envoie une voiture. Il n’allait pas rester coincé dans ce trou perdu, il devait bien exister une ville digne de ce nom aux alentours.

-          Mais le téléphone est en dérangement depuis les orages d’hier, susurra une voix moqueuse.

Lee leva les yeux et les mains au ciel dans un geste d’exaspération excédé. Vraiment ce n’était pas son jour.

-          Y a-t-il un hôtel au moins ? interrogea-t-il nerveusement.

Cette situation l’excédait au plus haut point.

-          Oui, on a même trois hôtels, lui répondit Beth avec un sourire lumineux.

Plissant les yeux, Lee la regardait avec suspicion s’attendant à une douche froide. Depuis qu’il avait rencontré cette femme, elle soufflait le chaud et le froid sur sa vie.

-          Mais ? interrogea-t-il avec méfiance.

-          Ils sont fermés à cette époque, dit Beth en le regardant par-dessus ses lunettes de soleil. Ici la saison se termine fin aout, début septembre. C’est dommage, une semaine plutôt, vous auriez eu le choix entre trois très bons établissements. Personnellement le Cottage est le plus joli, dans un cadre bucolique, face aux étangs, et la cuisine y est très bonne. Mais si vous préférez le luxe, faut aller au Manoir de Rigdewood, là il y a pas à dire, c’est le luxe, les chambres sont immenses, il y a une piscine, un sauna, un restaurant avec un chef français et une très bonne carte des vins. Et le Relais du bois est pas mal aussi, mais bon, le patron n’est pas toujours très sympa. Il est parfois un peu biz….

-          Stop, s’écria Lee, avec irritation. Je vous demande pas un guide touristique ou de me vanter les charmes de votre petite ville, si accueillante, ironisa-t-il, je vous demande juste s’il y a de quoi se loger dans votre bourgade ?

-          Il y a la pension de Luisa. C’est prés du centre, à 1km d’ici, répondit aussitôt Beth avec un grand sourire, découvrant ses petites dents blanches.

-          Et je m’y rends comment ?

-          Je peux vous y déposer si vous voulez. J’ai le temps. Et puis à cette heure, il n’y a pas grand monde pour l’essence, proposa Beth avec hésitation.

Elle avait du mal a évalué l’humeur de son vis-à-vis. Le regard gris restait toujours aussi froid et persistant, lui donnant l’impression de la transpercer de part en part. Voilà un moment qu’elle n’avait pas eu a faire à un spécimen de ce genre, froid, plein d’arrogance, sur de lui et prêt à obtenir tout ce qu’il voulait de n’importe quelle façon. Un loup, et un loup dangereux. Pourtant, Beth était loin d’être un agneau prêt à être sacrifié, la vie l’avait endurcie et elle était capable de tenir tête à cet individu. Après tout, quelle importance. Il n’était que de passage et elle n’aurait pas à le côtoyer.

-          D’accord, répondit Lee en se détendant lentement.

-          Je vais chercher Betsy alors. Attendez-moi là, s’exclama Beth en partant précipitamment vers l’arrière du garage, laissant Lee complètement désemparé.

-          C’est qui encore cette Betsy ? marmonna-t-il entre ses dents, sa main fine fourrageant dans ces cheveux ébouriffés. Quelle journée !

Un bruit de moteur se fit entendre, derrière le garage, se rapprocha. Lee vit arriver une vieille voiture avec un ahurissement grandissant.

-          Qu’est ce que c’est cette antiquité ? soupira-t-il avec lassitude en hochant la tête.

La vieille guimbarde s’arrêta devant lui et la portière papillon s’ouvrit.

-          Allez monter, Besty est de bonne humeur aujourd’hui, elle a démarré du premier coup, dit Beth en riant avec humour.

Lee introduit sa grande silhouette dans la voiture, ferma la porte et regarda Beth, en haussant les sourcils.

-          Et c’est quoi cette, il hésita un moment, cette voiture ?

Beth sourit.

-          Vous qui avez l’air d’apprécier les voitures européennes, vous auriez dû la reconnaitre, répliqua-t-elle en lui jetant un regard ironique. C’est une 2CV, une voiture française, une Citroën, la meilleure voiture de tout les temps. Betsy est un modèle de 1966, portières papillon, décapotable. Le best. C’est une voiture mythique. Elle a traversé le dessert, les montagnes du grand nord, une voiture increvable et on la répare avec une épingle à cheveux, expliqua Beth, avec passion.

Lee la regardait donner ces explications, étourdi par ce flot de paroles, un étonnement grandissant se peinant sur son visage. Il observait avec attention le profil de Beth. Son petit nez légèrement aquilin, pas du tout à la mode actuelle, la bouche sensuelle, le front haut, donnaient une impression de force et de délicatesse. Des mèches folles pendaient sur la nuque gracile et qui paraissait si douce. Mais le plus étonnant, c’était le regard. Il était incapable de dire de quelle couleur étaient ses yeux. Ce regard  prenant, franc, donnait à son visage toute sa personnalité.

La voiture roulait, bringuebalante, dans un doux ronronnement du moteur, quelques maisons éparses et joyeusement colorées commençaient à apparaitre. Le centre de la ville était peu étendu, juste une trentaine de maison, une épicerie principale à l’enseigne pimpante, et au centre une place arborée et gaie, où quelques bancs éparpillés permettaient aux promeneurs des instants de détente appréciables. Une grande bâtisse de briques rouges occupait un côté de la place, surmontée du drapeau, indiquant avec ostentation son utilité d’hôtel de ville. Il se dégageait de l’ensemble une impression de sérénité et de douce tranquillité. Tout le charme d’une petite ville. La petite voiture remontait tranquillement la rue principale et tourna à gauche après la petite place. Elle remonta toujours cahotante une douce pente bordée de rhododendrons et azalées exubérantes et se dirigea vers une grande maison en bois, peinte en jaune et bleu. L’ensemble était coquet et désuet. Le jardin était extrêmement bien entretenu, et un fin connaisseur aurait reconnu des essences rares, soignées avec amour et compétence.

-          Voilà, nous y sommes, c’est la pension des lilas, parce que derrière la maison il y a une collection de lilas totalement incroyable. On vient du monde entier pour les admirer. Ce n’est plus la saison, hélas, mais au printemps c’est un vrai bonheur.

Beth stoppa la voiture doucement devant le perron de la maison, et sortit de la voiture avec agilité, pendant que Lee s’extrayait avec difficulté de la voiture.

-          Venez, je vais vous présenter, déclara Beth en montant les quelques marches du perron, joliment décoré et en pénétrant dans la maison, sans plus de cérémonie.

Lee la suivit, regarda autour de lui. Tout cela lui paraissait très paisible, voire ennuyeux. Un paradis pour contemplatifs, mais certainement pas pour quelqu’un comme lui. Le hall avait un charme désuet des années 50, des vieilles boiseries parfaitement cirées, étaient éclairées par deux grandes fenêtres à guillotine. Au fond du hall, un escalier monumental desservait les étages, la rampe brillante, laissait imaginer les culottes courtes qui l’avaient polie au fil des ans. Un super tapis, rouge et or  étouffait le bruit de pas. Sur la gauche, une arcade donnait sur une salle à manger, coquette et joliment décorée de nappes à carreaux, bleu et blanche. A droite, légèrement en retrait un comptoir se dressait, lui aussi parfaitement ciré, les chromes rutilants, un tableau de clés dominant le mur. Une magnifique jeune femme d’une quarantaine d’années à peine, se tenait derrière le comptoir. Elle était sublime, grande, élancée, une blondeur des blés murs, deux admirables yeux myosotis éclairaient un visage aux traits fins et racés. Elle aurait pu sans démériter faire les couvertures de magazines comme Vogue ou Myfair. Lee  restait planté au milieu du hall, dévorant des yeux la jeune femme avec une admiration manifeste. Il se ressaisit promptement et s’avança de quelques pas, il tendit la main à cette sublime créature :

-          Lee Farrel, enchanté de vous rencontrer, se présenta-t-il de sa chaude voix grave.

-          Luisa Marqués, lui répondit la jeune femme en lui serrant la main.

Lee garda la délicate main dans la sienne au-delà des convenances, et il ne cachait pas son admiration. Luisa le regardait avec franchise, comme une femme habituée à ce genre de manifestation de la part des hommes.

-          Bienvenue à la pension des lilas. Beth vient de me dire que vous aviez eu des soucis de voiture et que vous aviez besoin d’une chambre pour la nuit. Vous avez de la chance, nous n’avons pas beaucoup de monde cette semaine et je vais pouvoir répondre à votre demande, poursuivi Luisa en relâchant la main de Lee.

-          C’est un immense plaisir pour moi, que vous puissiez accéder à cette demande, déclara Lee avec charme.

Beth, accoudée au comptoir, regardait le couple s’entretenir, un sourire narquois aux lèvres. Depuis qu’elle connaissait Luisa, elle était habituée à ce genre de démonstration des hommes envers son amie. Mais, elle connaissait Luisa et son passé, elle savait que seul comptait dans la vie de la jeune femme, son mari Franck et ses deux filles, Lily et Samantha.

-          Je vais vous conduire à votre chambre, déclara Luisa, vous souhaitez peut-être vous rafraichir ?

-          Oh oui, mais par-dessus tout, j’aimerais surtout me restaurer. Je n’ai rien avalé depuis ce matin. Y a-t-il un endroit où je puisse manger un morceau à cette heure ? demanda-t-il en jetant un regard à sa montre.

-          Je vais vous préparer quelque chose si vous le voulez. Je dois pouvoir vous proposer une assiette de viande froide, une salade de riz et une corbeille de fruits ? Cela vous conviendra-t-il ? offrit Luisa, avec un sourire éblouissant, dévoilant de jolies dents blanches parfaitement alignées.

-          Ce sera parfait, le temps de me rafraichir et je suis tout à vous, répondit Lee avec humour. Ah, je voulais savoir si vous aviez le téléphone ?

Luisa partit d’un rire, rappelant une cascade d’eau fraiche ricochant sur les rochers.

-          Oui, bien sur nous avons le téléphone et….

-          Hélas, il est en panne pour l’instant, l’interrompit Beth avec humeur. Il faut qu’il soit réparé et cela peut prendre, plusieurs jours, voire quelques semaines.

Luisa la regardait avec stupéfaction, une lueur au fond du regard. Elle hocha la tête, comme un signe d’assentiment.

-          Oui, c’est tout à fait ça, poursuivit Luisa en regardant Beth, les sourcils fins haussés dans un signe d’incompréhension fugace. Les orages d’hier ont dévastés les lignes téléphoniques, donc pour l’instant….

Malgré la mauvaise nouvelle, Lee restait souriant, la tête légèrement penchée sur l’épaule, comme hypnotisé. Il se secoua. Cette fille était vraiment fabuleuse, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas vu une aussi belle femme avec un si grand charisme. Après tout, la journée n’était pas si mauvaise !

-          Ce n’est pas grave, je verrais demain, déclara-t-il avec un sourire charmeur.

-          Je vous conduis à votre chambre Mr Farrell.

-          Appelez-moi Lee. Mr Farrell, c’est bien cérémonieux, et montrant sa tenue froissée et passablement sale, et vu mon aspect… rit-il

-          Avec plaisir Lee, suivez-moi, dit Luisa en lui rendant son sourire. Beth, attends moi, j’ai … quelque chose à te demander, termina-t-elle en se tournant vers Beth, qui croquait à belle dents une belle pomme rouge.

Beth hocha de la tête, mâchant bruyamment sa pomme, un sourire narquois et une lueur moqueuse dans les yeux. Lee lui adressa à peine un signe de tête, qu’elle ne fit pas même mine de remarquer.

Luisa redescendit quelques minutes plus tard. Un sourire amusé au coin de ses lèvres pulpeuses.

-          Où as-tu donc trouvé un spécimen pareil Beth ? attaqua-t-elle abruptement

Beth haussa les épaules, finit de manger sa pomme et se dirigea vers la petite porte derrière le comptoir.

-          C’est Smeety qui l’a trouvé sur la route de Pine Code, répondit-elle en prenant dans la cuisine attenante, une tasse de café et se servant à la cafetière toujours en marche. Tu veux un café ?

-          Non, je ne veux pas de café Beth, rétorqua Luisa avec irritation. Je veux savoir pourquoi cet homme sublime était sur la route de Pine Code, et pourquoi il a eu des soucis de voiture si j’ai bien compris ?

-          Sublime, sublime…. ça c’est toi qui le dis. Il est arrogant, imbu de lui-même et terriblement désagréable, déclara avec calme Beth.

Luisa leva les yeux au ciel et croisa les bras sur la poitrine.

-          Pourquoi était-il sur la route de Pine Code ? Ça m’étonnerait fort qu’un étranger ait eu l’idée d’aller se perdre dans ce coin perdu ?

-          Ben, je crois que je l’ai un peu aidée, souffla Beth en regardant son amie par-dessus sa tasse.

-          Raconte, demanda Luisa en s’asseyant à la table de la cuisine en face de son amie.

-          Il est arrivé tout à l’heure prendre de l’essence, et il m’a demandé la route de Pine Code, alors je lui ai indiqué la route, répondit Beth avec simplicité.

-          Et avec les orages, tu ne lui as pas dit que la route était impraticable ?

-          Il n’a pas demandé.

-          Enfin, Beth, tu aurais pu l’avertir, s’exclama Luisa d’un ton légèrement outré.

-          Pourquoi ? Parce que tu le trouve sublime, il aurait fallu que je lui dise, qu’avec sa belle Mercedes, il ne pouvait pas emprunter le chemin de Pine Code ? Beth rit doucement. A vrai dire, il a été tellement désagréable que je n’ai pas fait beaucoup d’efforts, pour l’avertir.

-          Reconnais tout de même que c’est un beau spécimen de la race masculine, dit Luisa en souriant.

-          Attention Luisa, Franck va être jaloux de t’entendre parler comme ça d’un parfait inconnu, surtout s’il le voit te dévorer des yeux, comme tout à l’heure, répliqua Beth avec humour. Je crois bien que tu as encore un admirateur.

-          Tu sais bien que Franck n’a rien à craindre, dit Luisa avec une petite moue pleine d’humour. Mais avoue, que cet homme est beau.

-          Qu’est ce que tu veux m’entendre dire Luisa ? Qu’il est beau, sous son air arrogant ? Qu’il a de superbes yeux gris, qui peuvent être caressant, surtout quand il te regarde ? Qu’il a une bouche sensuelle faite pour les baisers ? Qu’il a un côté félin dans la démarche et un corps de rêve digne d’un mannequin ? Qu’il a un sourire à faire se damner une sainte ? J’avoue. Il est beau, mais franchement il y a quelque chose chez lui qui me met mal à l’aise. Un je ne sais quoi.

Beth haussa les épaules, le regard perdu dans sa tasse. Luisa l’observait avec attention. Elle connaissait Beth depuis de nombreuses années, c’était sa meilleure amie, sa confidente. Elle se désolait parfois de ce qui semblait être de la solitude dans la vie de Beth. Mais, c’était une femme équilibrée, joyeuse, espiègle parfois et tout le monde l’aimait beaucoup à Harpwest. Et là, elle ne comprenait pas le comportement de son amie, qui était toujours prête à aider les autres, connus ou inconnus. Pourquoi ce mauvais tour à ce parfait inconnu ? Pourquoi prétendre que le téléphone était en panne pour plusieurs jours ?

-       A vrai dire, il me rappelle quelques hommes que j’ai croisés à New York. La seule chose qui compte pour ce genre d’hommes, c’est de contraindre les autres, dit Beth les yeux dans le vague.

Relevant la tête, elle regarda Luisa.

-          Et en plus à part la grande ville, tout autre milieu est pour eux un endroit miséreux. Les gens de la campagne sont des ploucs, certains croient encore qu’on ne peut pas être aussi bien équipé que les grandes villes. Que les termes de Wifi, de surfer sur le net, de mail, sont pour nous lettres mortes. Alors c’est vrai, je n’ai pas beaucoup de sympathie pour des gens comme ça.

-          Tu ne le connais pas, dit Luisa. Peut être est-il totalement différent ?

-          Peut être …

-          Sais-tu pourquoi il voulait aller à Pine Code ?

-          Non, je ne lui ai pas demandé.

-          Pourtant, ça devrait t’intéresser. C’est toi et Eli qui habitez là-bas.

-          Oui, je sais.

Le silence s’installa, laissant la place au bruissement de la maison.

-          Et tu ne veux pas savoir ? questionna Luisa

-          A vrai dire, Eli était bizarre avant de partir. Alors je pense que cet homme voulait le voir. Et tu sais comme moi, qu’Eli est parti depuis une semaine pour…. Je ne sais même pas pour combien de temps ! Ça me laisse un temps de réflexion.

-          Bon, comme tu veux. Et cette histoire de téléphone ?

Beth parti d’un éclat de rire, qui illumina tout son visage assombrit.

-          Je n’ai pas pu résister ! Tu aurais vu sa tête quand je lui ai dis que le téléphone était coupé. Et comme le réseau est hors service, il n’a plus de portable non plus. J’imagine que même le GPS ne devait plus fonctionné. Les relais étant couplés, c’est même certain. Franchement, je me suis régalée de sa mine déconfite.

-          Et qu’est ce que je suis sensée lui dire moi ? interrogea Luisa.

-          Tu peux lui dire ce que tu veux, de toute façon, je n’aurais la pièce pour le relais téléphonique et le réseau que ce soir, lorsque Mike rentrera. Donc, je ne pourrais effectuer la réparation que demain. Tout le monde sera au régime sec ce soir !

-          A quelle heure Mike doit revenir ?

-          Pas avant 19h, je pense. Il avait du boulot chez la veuve Griffin. Et tu la connais, elle ne le libérera qu’après le thé. Le temps qu’il passe chercher les pièces chez Morton, il sera là pour 19h.

Le silence s’éternisa un moment, les deux femmes plongées dans leurs réflexions. Beth se secoua la première.

-          Bon, merci pour le café Luisa. Il faut que j’aille récupérer la voiture du beau monsieur avant la nuit. Sinon, je vais y passez un moment. Et il faut que je passe libérer Marlow.

Posant sa tasse dans l’évier Beth se retourna vers Luisa hésitante.

-          Quoi ? dit Luisa la regardant avec attention.

-          Ça m’arrangerait que tu ne dises pas à Mr …. Farrell, ce que je fais dans la vie.

-          Pourquoi ? Tu as honte de ton métier, maintenant Beth ?

-          Non pas du tout, rigola Beth. Mais je préfère qu’il me prenne pour une idiote, tant que je ne sais pas ce qu’il venait faire à Pine Code.

-          Toi une idiote ? s’exclama Luisa en partant d’un grand éclat de rire. Alors là, il va falloir avertir tout le monde ce soir à la réunion pour que personne ne vende la mèche.

-          Ah ça, c’est une bonne idée, dit Beth pensivement.

Beth se dirigea vers le hall, quand elle fit brusquement demi-tour, frappée d’une idée subite.

-          Surtout, s’il te pose des questions sur Mike, il croit que c’est lui le garagiste. Alors, motus. Salut ma belle, à ce soir. Embrasse les filles de ma part.

Luisa resta assisse, pensive à la table. Secouant la tête, elle se leva et se mit à préparer la collation pour son nouveau client réfléchissant au drôle de comportement de son amie. Etrange vraiment.

27 janvier 2015

Chapitre 3

Le jet brulant de la douche laissait de longs sillons sur la peau brune de Lee, délassant ses muscles. Après ses péripéties de la journée, la douche était vraiment la bienvenue. La chambre que lui avait donnée Luisa était coquette. Là encore la prédominance des boiseries, les beaux rideaux rouges sang, la moelleuse moquette, et toutes les petites touches féminines, comme le bouquet de fleurs des champs, le tissu joyeux de la courtepointe du lit, le vieux fauteuil en cuir devant la fenêtre, créaient une atmosphère de détente et de bien être. La salle de bain, équipée des derniers éléments de modernité, de dépareillait pas avec cette impression de confort, qui sans être luxueux était tout de même de bon ton.

Luisa ! Lee avait déjà rencontré de belles femmes, de très belles femmes, les femmes considérées comme les plus belles au monde, mais il avait eu un choc. Comment dans une bourgade pareille perdue au milieu de nulle part, pouvait-on trouver une femme pareille ? Il n’avait jamais rencontré une femme avec autant de…. sérénité, c’était le seul terme qu’il arrivait à lui appliquer. Finalement sa journée pourrie, se terminait sur une note inattendue et plutôt réjouissante. Penser à cette journée, lui fit froncer les sourcils et reprendre son air revêche. Malgré tout, c’était un beau fiasco. Impossibilité de rencontré ce maudit E. Maccraft, sa voiture embourbée jusqu’au châssis, il allait bien s’amuser Mike le remorqueur à sortir sa voiture de là. Après tout ce serait une petite revanche…. à moins que ce gars soit dans l’incapacité de sortir sa voiture ? Et en plus aucun moyen de communication ? Quel bled paumé ! Il sentait l’énervement le gagner à nouveau, malgré les bienfaits de la douche. De dépit, il ferma les robinets, s’enveloppa dans un peignoir et sorti de la salle de bain. Il regarda avec abattement son costume disposé sur le lit. Lui aussi était aussi boueux que sa voiture, sans parler de ses chaussures. Elles étaient foutues. Cela lui importait peu, mais il n’avait pas prévu de rester à Harpwest, il n’avait rien pour se changer. Il fourragea dans ses cheveux humides. Même pas un peigne, ni même une brosse à dents ! Maudite ville !

On frappait à la porte de sa chambre. Lee alla ouvrir, découragé par tous ses aléas, mais son sourire charmeur revint vite à ses lèvres en apercevant Luisa. Elle tenait dans les bras, un paquet de vêtements.

-          Excusez-moi de vous déranger Lee, mais j’ai pensé que vu les péripéties que vous avez eu sur le chemin de Pine Code, vous apprécieriez des vêtements propres. Franck fait à peu près la même taille que vous, j’ai pensé qu’une chemise, un jean et un pull-over pourrait vous dépanner pour ce soir. J’ai aussi mis quelques accessoires de toilettes sous cellophane, j’avais oublié de les mettre dans la salle de bains. Pour les chaussures, dans l’entrée il y a un placard avec les chaussures de Franck, je vous laisserai choisir, lui dit-elle en tendant le paquet de vêtements, un charmant sourire aux lèvres. Et si vous voulez bien me donner votre costume et vos chaussures, je verrais ce que je peux faire.

-          Merci pour cette charmante attention, s’exclama Lee en riant. Pour le costume, je ne voudrais pas abuser.

-          Oh mais vous n’abuserez pas, le service de blanchisserie est compris dans la prestation ici. Il faut dire qu’il arrive souvent que des randonneurs s’arrêtent ici et c’est un service qu’ils apprécient beaucoup.

-          Alors, je vais en profiter, dit-il en allant déposer le paquet de vêtements sur le lit et en ramenant à Luisa ses propres vêtements. Merci beaucoup, c’est vraiment très gentil de votre part.

-          Je vous laisse maintenant, répondit Luisa en se retournant pour partir.

Elle s’arrêta et se retournant vers Lee,

-          Votre collation est prête, elle vous attend dans la salle à manger.

-          Je m’habille et je descends tout de suite, j’ai une faim de loup, répliqua-t-il avec joie. Au moins ici, ce sont les seuls bons moments de la journée. A tout de suite, dit-il en regardant la silhouette élancée de Luisa s’engagée dans l’escalier.

Une déesse, marmonna-t-il en suivant des yeux Luisa disparaitre.

Il s’habilla rapidement, constatant avec plaisir que les vêtements choisis par Luisa lui allait parfaitement. Certes, il avait un peu moins de carrure que le mystérieux Franck, mais les vêtements lui seyaient. Elle avait choisi un jean délavé, à grandes poches droites, et une chemise en lainage à carreau, bleu et blanc. Un pull-over marine complétait sa tenue, un style un peu campagnard qui ne lui était pas vraiment habituel. Elle avait même pensé aux chaussettes. Seul inconvénient, sans chaussures il se trouva contraint de descendre pieds nus. Mais après tout, cela lui rappelait quelques souvenirs de son chalet où il n’allait plus souvent, où il adorait se promener en chaussettes. Sans complexe, il descendit l’escalier et se retrouva dans le hall. Personne en vue. Il se dirigea vers ce qui lui semblait être la salle à manger, et découvrit le long d’une grande baie vitrée donnant sur le jardin des lilas, une table, joliment dressée. S’y trouvait, une assiette de viande froide avec du poulet, du jambon de pays, du rôti de bœuf et un autre morceau de viande qu’il fut incapable de reconnaitre. Une assiette d’une appétissante salade de riz se trouvait à côté, ainsi qu’une impressionnante corbeille de fruit. Une bouteille de vin rouge de Californie complétait le menu. Cela lui mit l’eau à la bouche. S’installant à table, sa bonne humeur remonta de plusieurs crans. A peine avait-il attaqué ce qui lui paraissait être un festin, il entendit des pas légers dans le hall. Il se leva de table, finissant de mâcher sa première bouchée et se dirigea vers le hall. Luisa arrivait, les bras chargés de fleurs, une vraie vision champêtre. Elle regarda Lee et éclata d’un rire musical et envoutant, et montrant ses pieds, elle se moqua gentiment de lui :

-          Vous n’avez pas trouvé le placard à chaussures ?

-          A vrai dire je n’ai pas cherché, j’étais affamé. Regardant et remuant ses pieds, à vrai dire, j’apprécie  d’être comme ça, cela fait bien longtemps que cela ne m’était plus arrivé. Mais je mets des chaussures immédiatement, si cela est gênant !

-          Non, non, surtout pas, si vous êtes à l’aise comme ça, ne changez rien. Ici, vous savez, nous avons l’habitude de l’excentricité, et c’est le piment de la vie. Alors, ne vous embêtez pas pour moi.

-          Bien alors, je vais rester comme ça pour l’instant. Mais, je déteste manger seul, accepteriez- vous de me tenir compagnie ? Je peux vous proposer un verre d’un superbe vin rouge de Californie, proposa-t-il un sourire au fond des yeux. Enveloppant d’un regard charmeur. Acceptez, s’il vous plait, supplia-t-il.

Luisa le regardait avec attention, un petit sourire au coin des lèvres.

-          Après tout pourquoi pas !

Aussitôt, Lee débarrassa Luisa de ses fleurs, les posant sur le guéridon du hall, et il lui attrapa le bras, la remorqua dans la salle à manger :

-          Vous allez voir, cette salle à manger est sublime, la vue sur le jardin des lilas est magnifique, bien que ce ne soit pas l’époque de floraison, mais au printemps je peux vous assurer que c’est un vrai paradis, vantait-il comme un guide touristique, sur un ton rieur.

Luisa le suivit riant de cette facétie. Lee prit un verre au passage sur une autre table, et avançant une chaise à Luisa :

-          Madame veut-elle bien s’installer, c’est notre meilleure table. J’espère que vous apprécierez.

-          Mais avec plaisir, Monsieur. Merci.

Lee s’installa en face de Luisa et lui servit un verre. Levant son verre, il plongea son regard dans les yeux myosotis de Luisa et porta un toast.

-          A la plus belle femme de monde, déclara-t-il avec sérieux.

-          Au pauvre automobiliste échoué dans nos contrées perdues, répliqua Luisa avec plein d’humour.

Lee, un instant interloqué, partit d’un grand rire joyeux.

-          Oui, c’est tout à fait moi. C’est une des pires journées de ma vie, mais votre compagnie rachète tous les désagréments.

-          Alors tout n’est pas perdu, murmura Luisa, plongeant les yeux dans son verre.

Lee, la regardait, plein d’interrogation. Que pouvait bien faire une telle femme dans un endroit pareil. La pension était charmante, mais sans doute bien triste. Commençant à manger, il ne put s’empêcher de poser la question.

-          Que fait une femme telle que vous dans un endroit pareil ?

Luisa, le regarda attentivement, son visage devenant sérieux et concentré.

-          Vous savez, je n’ai pas toujours vécu ici. Pour tout vous dire, il y a une dizaine d’années vous avez même dû me voir sur de nombreuses couvertures de magazines. J’étais mannequin et très demandée, je dois l’avouer sans modestie. Je suis rentrée dans le mannequinat, j’avais 15 ans.

Luisa s’arrêta un instant, faisant tourner son vin dans son verre.

-          J’ai eu les honneurs, la gloire, la richesse, un travail passionnant, des rencontres incroyables. Une vie dont rêve toutes les filles de 15 ans. Je suis restée mannequin pendant dix ans. C’est long pour une carrière de mannequin. Mais à 25 ans, une fille ne vaut plus grand-chose. Elle devient difficile à caser sur les podiums. Les contrats se font plus rares. Et si comme moi, on n’a aucun autre talent, l’angoisse du lendemain devient prenante. Mais j’ai eu une chance incroyable.

Un silence s’installa entre Lee et Luisa, sans aucune gêne. Lee écoutait avec attention sans poser de questions. Elle racontait à son rythme et il sentait qu’il ne fallait rien brusquer.

-          Et puis je suis tombée sur Franck.

Elle eut un petit rire amusée et regarda Lee un  petit sourire jouant sur ses lèvres.

-          Le plus extraordinaire, c’est que je suis vraiment tombé sur lui.

Luisa se remémorait avec émotion ces instants qui avaient bouleversés sa vie.

-          J’étais à un défilé à Paris, la capitale de la haute couture. Nous étions en répétition. Et comme toujours, ça courrait dans tous les sens, rien n’était vraiment prêt. La tension était à son maximum. Alors que j’arrivais au bout du podium, le talon de 12 cm de mon escarpin s’est cassé net, et je suis tombée du podium. Franck était là et il m’a rattrapé. Franck est menuisier d’art et il installait des colonnades sculptées pour le défilé. Il m’a souri, Luisa eu un petit rire hésitant, il m’a remis sur mes jambes, m’a dit que les talons hauts sont de vrais dangers publics. J’ai fait mon défilé et le soir au sortir des loges, il m’attendait, une rose rouge à la main. Il m’a demandé si je voulais allez boire un verre avec lui et j’ai acceptée. Une semaine plus tard nous étions mariés.

Luisa regarda Lee avec un pétillement dans les yeux :

-          C’est totalement kitch, à l’eau de rose ou tout ce que vous voulez, mais cela fait 15 ans que nous sommes mariés et heureux ensemble, comme au premier jour. Nous avons deux magnifiques filles, qui sont notre bonheur de tous les jours. Nous avons beaucoup voyagé pour le travail de Frank et puis, il y a une dizaine d’année il a hérité de cette maison. C’était la maison de son oncle, un excentrique, comme il y en a beaucoup à Harpwest. Et nous sommes venus nous installé ici, sans regrets, et je dois avouer que pour rien au monde, je voudrais repartir. Ici, nous prenons le temps de vivre, au fil des saisons, la vie est douce, agréable, les gens sont vrais. Il y a parfois des bagarres et ça met un peu plus d’animation, mais lorsque la saison est finie, tout le monde est heureux de retrouver le calme. C’est Harpwest, déclara-t-elle en haussant les épaules avec désinvolture.

Lee l’avait écouté avec sérieux, en oubliant même de manger. Il avait éprouvé au fond du cœur comme un serrement en l’entendant se confier avec tant de liberté. Cela faisait longtemps que personne ne lui avait pas parlé de cette façon, osant se dévoiler. Il en restait ébahi. Il existait encore de nos jours des gens n’ayant pas peur des conventions, des on-dit ? Osant dévoiler leurs sentiments, quelque part un peu de leur âme. Son esprit cartésien se rebellait.

-          Ainsi vous avez trouvez la formule du bonheur, railla Lee

Luisa rit avec gaieté, une lueur pétillante dans les yeux, secouant la tête et faisant voler ses boucles blondes.

-          Non pas du tout. Pour moi, il n’y a pas de formule du bonheur. Chacun trouve son propre bonheur et il est différent pour chacun d’entre nous. Simplement quand on le croise, il ne faut pas avoir peur de l’attraper au vol et tout faire pour le garder. C’est ce que Franck et moi avons fait. Et jusqu'à présent, nous ne le regrettons pas. Nous l’avons rendu encore plus présent ici. Pour nous c’est comme ça.

Le silence s’installa une nouvelle fois laissant entendre les bruits du dehors. Lee finissait de manger, se régalant de fruits frais. Luisa contemplait son vin. Elle releva les yeux et fixant Lee, elle demanda :

-          Et vous Lee, que cherchez vous à Harpwest ?

Lee se carra dans sa chaise, laissant son regard errer sur l’extérieur. Une partie de lui appréciait ce paysage bucolique, mais une autre partie se rebellait contre ce calme et cette idée de sérénité, sans doute incapable de comprendre, étant trop éloignée de ce monde.

-          Je cherche quelqu’un, répondit-il calmement

-          Quelqu’un en particulier ?

-          Oui. J’ai, il s’arrêta un moment réfléchissant s’il pouvait parler à cette femme avec la liberté qu’elle-même avait employé. J’ai besoin d’une personne qui habite Harpwest, pour un projet très important dont je m’occupe. Vous le connaissez peut-être ? dit-il

-          Qui cherchez-vous ? demanda Luisa avec douceur

-          Un certain E. Maccraft.

-          Eli ? s’exclama Luisa

-          Vous le connaissez ? demanda Lee une tension perceptible dans la voix, le visage tout à coup perdant sa détente, avec une concentration intense.

-          Tout le monde connait Eli à Harpwest, riait Luisa. C’est un peu notre Geo Trouve tout. Il a toujours des idées bizarres, mais souvent géniales. Si vous avez un problème, allez voir Eli et il trouve des solutions. Bon, pas toujours celle que vous attendiez, non plus, finit Luisa, tout à coup pensive. Mais il n’est pas là pour l’instant.

-          Pas là ? s’irrita Lee. J’ai fait le déplacement spécialement pour le voir. Ce projet est extrêmement important.

-          Il est parti depuis une semaine, et je crois qu’il ne reviendra pas avant quelques jours.

-          Zut, jura Lee se levant brusquement, tournant en rond avec impatience, ratissant de ses longs doigts sa courte chevelure. Et il n’y a pas moyen de le contacter ? demanda-t-il, une lueur d’espoir dans le fond du regard.

-          Alors, là, je ne peux pas vous renseigner. Pour ça il faudrait voir sa fille, énonça Luisa.

-          Ou puis-je la rencontrer ?

Luisa resta silencieuse. Devait-elle lui révéler qu’il l’avait déjà rencontré ? Et que leur première rencontre n’était pas un exemple de cordialité ? Peut-être devait-elle d’abord en avertir Beth ? Ce serait certainement la meilleure solution. Mais comment faire entendre raison à Lee. Elle se rendait compte que cet homme ne devait certainement pas être facile à manœuvrer. Elle comprenait mieux la réticence de Beth vis-à-vis de l’homme.

-          Alors ? s’impatienta Lee, le regard gris devenant de plus en plus perçant.

-          Et bien pour aujourd’hui, vous ne la trouverez pas. Mais demain vous la verrez certainement. Je la contacterais pour vous si vous voulez ? Ce sera plus simple.

Lee s’énervait. Encore un contretemps. Mais après tout, si demain il obtenait la possibilité de joindre Eli Maccraft, ce ne serait pas dramatique. Le projet était presque au point mort depuis bientôt deux mois, ce n’était pas quelques heures, voire quelques jours de plus qui poseraient de problème, surtout si au bout, la solution était trouvée. Se radoucissant, réalisant que son comportement devait être incompréhensible pour Luisa, surtout après les confidences et la chaleur qu’elle avait montrée, il lui sourit gentiment.

-          Excusez-moi Luisa, je suis une vraie brute. Je pense que vous avez raison. Si je peux rencontrer la fille d’Eli demain ce sera parfait. Et si vous voulez bien prendre contact avec elle pour moi, cela me parait une très bonne solution. Merci beaucoup pour votre aide.

-          C’est avec plaisir Lee, déclara Luisa en se levant. Il faut que je vous laisse, les filles ne vont pas tarder à rentrer. Le diner sera servi à 19h ce soir.

Elle hésita un instant, puis se retournant vers Lee, qui regardait pensivement par la baie vitrée.

-          Si vous voulez profiter un peu du coin, il y a un magnifique point de vue à 15 minutes d’ici, sur le promontoire. Il vous suffit de prendre le chemin qui monte derrière la maison. A cette époque de l’année, c’est vraiment un coin formidable. Je vous le conseille vraiment.

Lee se retourna vers Luisa en souriant.

-          Merci Luisa, je pense que je vais suivre votre conseil. Surtout, que je n’ai pas grand-chose d’autres à faire ce soir. Merci encore.

Luisa fit un signe de tête et quitta la salle à manger, laissant Lee seul avec ses pensées. Apres tout une petite balade au grand air ne pourrait pas lui faire de mal et ses nerfs en avaient vraiment besoin.

-          Allons donc admirer cette vue inoubliable, bougonna-t-il avec ironie.

18 novembre 2014

Bienvenue

Un train....

Une journée ennuyeuse.....

Un moral en berne...

Un ordinateur qui me fait de l'oeil.....

Une idée bizarre.....

Et ..... l'aventure commence...

Écrire un mot puis un autre,  juste pour s'occuper,  rêver, rire....

Les vieux romans à l'eau de rose qu'on oublie aussitôt lu. J'aime cette idée et je me lance.....

 

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